Être un bon communicant, ça s’apprend ?

Quel rôle des communicants dans les organisations? Comment l’appréhender? Quelle est la valeur singulière du communicant dans une entreprise ? Les réponses de Pascale Barillot, directrice de la communication de Pôle Emploi. Une conversation avec Hubert Callay d’Amato.


Pascale Barillot a été notamment chef du service de presse d’EDF, puis directrice marketing et communication chez Dalkia et directrice de la communication et de la responsabilité sociétale de Geodis. Elle est aujourd’hui directrice de la communication de Pôle Emploi.

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Cet épisode a été conçu et réalisé par Paroles de Leaders pour en partenariat avec Dunod à l’occasion de la publication a 9e édition du Communicator, l’ouvrage de référence sur les métiers de la communication. Les podcasts et de vidéos produits par Paroles de Leaders constituent la version augmentée de l’ouvrage, « Toute la communication pour un monde plus responsable », à retrouver sur le site de Dunod.

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Transcription

Hubert Callay d’Amato : J’ai envie de commencer cette conversation par une question un peu provocatrice : la communication est-elle un métier sérieux ?

Pascale Barillot : Je vais pas faire de provocation et je vais répondre oui. La communication est un métier sérieux même s’il est exercé par des professionnels qui ne se prennent pas trop au sérieux. Les meilleurs communicants, les meilleurs professionnels que j’ai pu rencontrer ne se prennent pas au sérieux.

Cela étant, la communication ne s’improvise pas. Ni pour ceux qui en font un métier, ni pour ceux qui, sans être des communicants de métier, sont d’une façon ou d’une autre amenés à être porte-paroles des entreprises. Rien n’est improvisé, tout est pesé, rien n’est laissé au hasard. J’ai l’habitude de dire qu’en communication toute improvisation est soigneusement préparée.

Hubert Callay d’Amato : Un communicant est-il un couteau suisse ? Doit-il savoir tout faire de ce qui relève de la communication ? 

Pascale Barillot : J’aurais tendance à dire oui et non. Non, on ne sait pas tout faire mais oui, on essaie de faire plein de choses différentes.

En premier lieu, la communication englobe des métiers qui sont extrêmement différents. Il y a pas LE métier de communication ; il y a LES métiers de la communication. Qu’il s’agisse de l’édition, du digital, des relations presse, de l’événementiel, de la publicité, tous ces métiers font appel à des compétences et des talents qui sont très différents. Ensuite, chacun a sa spécialité et cette spécialité suppose une expertise, de la formation tout au long de son parcours. Cela étant, il est très important d’évoluer, de se réinventer en permanence, d’acquérir de nouvelles compétences. Et certaines compétences sont transverses. Typiquement, aujourd’hui, lorsque l’on fait des relations avec la presse, il faut bien connaître les réseaux sociaux. Lorsque l’on fait de l’événementiel, il faut avoir une culture web importante parce que l’événementiel peut aussi se faire de manère dématérialisée.

Hubert Callay d’Amato : Comment fait-on pour se réinventer lorsque l’on est communicant en poste et que l’on reste dans la même équipe ? Evidemment, on peut se former sur le tas, mais encouragez-vous, dans votre pratique, vos collaborateurs à faire de la formation continue ?

Pascale Barillot : Deux choses. La première est qu’il faut faire de la formation. Je pousse mes collaborateurs à faire de la formation, à aller dans les meilleures écoles chercher les meilleurs experts. La seconde est que je pense que l’on peut aussi se former sur le terrain. J’aime envoyer mes collaborateurs dans les associations, dans les groupements de pairs, je les envoie aussi à la fois dans des entreprises qui nous ressemblent et aussi des entreprises qui sont complètement différentes. Dans ce métier, il est important de toujours avoir les oreilles ouvertes. J’impose à l’équipe de lire le journal tous les jours, d’aller regarder ce qui se fait, d’être curieux, d’être ouvert, d’aller piquer les bonnes idées ailleurs. C’est donc un mélange de formation un peu scolaire et de beaucoup de pratique. 

Hubert Callay d’Amato : On entend beaucoup que pour être communicant il faut surtout avoir un certain état d’esprit ?

Pascale Barillot : Comme disait ma grand-mère, je pense qu’il faut avoir une tête bien faite et surtout une façon de penser un peu différente. On ne naît pas communicant, cela demande d’abord énormément de travail. A la fois du travail sur les techniques de communication et sur les sujets sur lesquels on va communiquer. Je ne crois pas aux communicants qui surfent et qui passent d’un sujet à un autre. Je crois vraiment au communicant qui travaille ses dossiers, qui creuse les sujets, qui va au fond des choses. C’est comme cela que l’on fait de la bonne communication. La communication sollicite des compétences techniques. Il faut notamment apprendre à convaincre. Convaincre par l’écrit -il faut savoir bien écrire, écrire de façon synthétique dans un langage simple – et convaincre à l’oral. Il faut savoir faire un pitch, il faut savoir embarquer ses collaborateurs ou son comité de direction ou son client. Il faut savoir prouver, démontrer avec un style et une forme extrêmement percutants.

Hubert Callay d’Amato : Vous parlez de talent. Au-delà des compétences techniques que vous venez de citer, en termes de savoir-être, quelles sont les qualités essentielles que l’on attend d’un bon communicant ? 

Pascale Barillot : Je vais essayer de ne pas faire un inventaire à la Prévert, sachant que je pense qu’un bon communicant a beaucoup de talent.

La première des qualités requises, et je parle d’expérience, c’est quelque chose que je travaille tous les jours, c’est l’assertivité. Nous sommes souvent amenés à proposer des choses, des projets, des objets qui sortent un peu de l’ordinaire du quotidien et qui obligent à faire un petit pas de côté. Si l’on veut faire passer un message, le savoir ne suffit pas. Lorsque l’on travaille avec des ingénieurs, il faut savoir les convaincre que le boulon au fond de la cuve du réacteur ou l’argument juridique à une prestation par exemple ne suffit pas pour convaincre. Il va donc falloir avec beaucoup de conviction vendre ce changement de posture, ce petit décalage qui permet de bien communiquer. Je crois ensuite qu’il faut être curieux. Si on est pas curieux, si on va pas regarder ailleurs, y compris dans des domaines qui nous sont complètement étrangers, on vieillit très vite et on se renouvelle pas. Il faut aussi savoir travailler en équipe, se remettre en question les uns les autres, accepter le questionnement, la remise en cause des raisonnements. La communication n’est pas un art qui s’exerce seul. 

Hubert Callay d’Amato : Cela peut s’avérer compliqué, en cette période de confinement, ou de post-confinement, avec des distanciations physiques et des collaborateurs qui sont souvent encore en télétravail… 

Pascale Barillot : C’est l’une des limites de l’exercice. Je pense beaucoup de bien du télétravail, mais notre métier nécessite que nous nous retrouvions. Nous avons fait beaucoup de visio-conférences, et cela ne suffit pas. Je vous regarde aujourd’hui, même si nos auditeurs ne nous voient pas, je vois vos réactions, je vois si vous avez compris, si vous êtes d’accord, si vous n’êtes pas d’accord. J’ai absolument besoin de ces signaux faibles pour progresser, pour sentir si mon argumentaire passe ou pas. Une autre des qualités requises est l’’empathie. Elle doit être maîtrisée, mais on a absolument besoin de se mettre à la place de l’autre, à la place de public avec qui on va échanger, le client, le collaborateur, l’élu, que ce soit en communication B2B ou en B2C. C’est un exercice que je recommande à tout communicant qui prépare une campagne, un message, un discours. Jouer à être celui qui lit votre brochure, celui qui reçoit votre message. Vous verrez que vous n’écrirez pas de la même manière.
La simplicité est un motto pour moi. Il faut travailler, écrire, être simple, être accessible. Être simple n’est pas être simpliste, c’est connaître à ce point un sujet que l’on est capable d’en dégager l’essentiel et l’essence. La simplicité devient presque le comble de la sophistication : vous allez tellement au bout des choses que vous arrivez à les rendre accessibles et compréhensibles. Cela requiert un travail lourd et difficile. Le sang-froid, la capacité à prendre du recul et en particulier dans les tourmentes, à savoir capter les signaux faibles, les aspérités, les risques de réputation, sont également des talents majeurs des communicants. 

Hubert Callay d’Amato : … notamment dans la posture qu’ils ont face aux hauts dirigeants. 

Pascale Barillot : Exactement. Il faut être capable de ne pas démarrer tout de suite, d’attendre, de dire : « Tu as un mauvais papier dans la presse, chef. Regarde, dans 2 jours on verra déjà les choses différemment. » Plus on est en crise, plus on est dans des situations tendues. Il faut savoir soi-même faire redescendre la pression, regarder de l’extérieur, toujours faire u petit pas de côté. 

Hubert Callay d’Amato : C’est une valeur que le communicant apporte également à l’organisation mais dont on ne parle pas beaucoup…

Pascale Barillot : C’est vrai. J’ai beaucoup travaillé sur la crise. La communication de crise n’est pas la crise de la communication. En crise, les communicants doivent être calmes, organisés, méthodiques, se préserver, voir l’essentiel. Tout cela nécessite du sang-froid. 

Hubert Callay d’Amato : Un autre cliché circule à propos des communicants. Ils sont souvent accusés d’avoir la tentation d’épater la galerie, de se faire plus plaisir que de servir un objectif.

Pascale Barillot : Je lutte contre ce cliché. On ne fait pas de l’art pour l’art. On fait de la communication pour être utiles. Utiles à une organisation, utiles à une entreprise, utiles à un client, utiles à une cause. Derrière notre profession, il y a la notion d’utilité. Rien n’est jamais gratuit. Cela ne veut pas dire qu’on est ennuyeux. Il ne faut donc pas regarder un seul côté de la pièce, toujours les deux. Notre communication doit être utile, mais elle doit aussi être attrayante, intéressante. Si l’on ne voit qu’un seul des deux côtés on a l’impression que l’on cherche à épater la galerie, à faire des paillettes. Ce n’est jamais le cas. En tous cas, ça ne doit pas être le cas. 

Hubert Callay d’Amato : N’est-ce pas une question de cercle vertueux versus cercle vicieux ? Je m’explique : est-ce que plus les dirigeants et la structure de l’organisation vont valoriser l’apport et la valeur du rôle des communicants, plus les communicants vont être immergés dans une approche de stratégie, et ainsi servir une stratégie à travers leur métier de communicant ? Alors que dans l’autre sens, des communicants dont la fonction est moins valorisée au sein d’une organisation peuvent être tentés de se réfugier dans des projets qui sont spectaculaires mais qui sont peut-être pas forcément liés à une stratégie ? 

Pascale Barillot : Je suis entièrement d’accord. La communication est au service d’une stratégie. Le risque qui nous guette, en tant que communicants, c’est de n’être que des producteurs d’outils. Il faut absolument lutter contre ce cliché et contre cet état de fait. La solution de facilité est souvent d’aller vers l’outil. 

Hubert Callay d’Amato : D’autant plus que la palette d’outils spectaculaires n’a  jamais été aussi large qu’aujourd’hui : un site web, un intranet performant, des réseaux sociaux bien gérés, un film, une vidéo…

Pascale Barillot : Oui, mais nous avons  des “cordes de rappel” qui fonctionnent très bien. Un dircom, un communicant doit fonctionner avec des KPI comme un directeur financier. Il y a un seul juge de paix :ma vidéo a été vue ou n’a pas été vue. Le message essentiel que je voulais faire passer est-il passé ou non ? Il peut y avoir des paillettes sur la scène, des spots, mais le juge de paix reste le fait que mon public ait retenu ou non mon message essentiel. Je reste sur cette ligne.. 

Hubert Callay d’Amato : C’est ce que disait Assaël Adary dans une vidéo produite par Paroles de Leaders : « Ce qu’on ne mesure pas n’existe pas », dans la finance ou la gestion comme dans la communication. 

Pascale Barillot : Exactement. Et je milite pour une communication avec des mesures, des KPI. Nous ne sommes pas obligés de les afficher dans les couloirs, mais entre nous, entre pairs, parlons de la vraie vie, parlons des vraies choses. Combien de vues, de visiteurs, d’éléments de conviction me rapporte un euro investi ?.

Hubert Callay d’Amato : Si vous deviez conseiller un junior qui hésite encore sur son parcours professionnel, pourriez-vous lui donner des raisons de faire de la communication ?

Pascale Barillot : Je fais ce métier depuis un certain nombre d’années maintenant. J’ai beaucoup de plaisir à l’exercer. Ce qui est intéressant c’est que le défi  intellectuel est permanent. Si vous le faites en écoutant, en vous ouvrant, en essayant d’être utile à la cause que vous servez, chaque jour est nouveau. Personnellement, je retrouve tous les jours ce plaisir à me lever le matin et à aller travailler parce que j’ai le sentiment d’être utile, mais je m’amuse aussi dans ce que je fais. J’y prends beaucoup de plaisir, et ça c’est important.

Hubert Callay d’Amato : Si vous deviez résumer votre approche du métier de communicant en trois conseils ? 

Pascale Barillot : Je dirais travaillez, travaillez, travaillez. Mais plus sérieusement, je vais dire d’abord travaillez vos dossiers, travaillez vos sujets, formez-vous. Le deuxième conseil: inspirez-vous. Respirez. Mettez le nez à la fenêtre. Allez voir dehors. Regardez ce qui se fait, y compris dans d’autres domaines de la communication ou dans d’autres entreprises, dans d’autres organisations à l’étranger. Regardez ce qui se fait dehors. Puis le dernier conseil, surtout amusez-vous. Faites-vous plaisir.

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